Victoria, cantatrice et innovatrice suédoise

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Fille de Fredrik Bundsen (1797 – 1863), grand avocat du royaume, et de Anna Juliana Otterdahl (1806-1863), Victoria Isabella Heliodora Bundsen est née le 02 mars 1839 à Brastrad, dans le comté du Västra Götaland, en Suède. Elle est l’avant dernière d’une fratrie composée de Felicia Aguelina Cresunda Bundsen (1828), Emilia Inicenta Aurora Bundsen (1830), Rosalinda Juliana Gustafva Bundsen (1831), Fredrik Julius Bundsen (1833), Gustaf Torgny Lafayette Bundsen (1835), Carl Oscar Leopold Bundsen (1837) et Yngve Sigurd Agaton Bundsen (1843).

Elle est aussi l’arrière-petite-fille de mon fameux arrière x6 grand-père germano-suédois, Severin Castani Böckman, homme riche et proche de la cour de Suède, beau-père et mentor du célèbre Olof von Dalin, dont je ferai un article prochainement.

Homme brillant, musicien et poète accompli, leur père Fredrik bercera ses enfants de ses talents. Victoria développera donc son goût pour les arts dès le plus jeune âge et notamment pour le chant. Grâce aux relations qu’entretenaient sa famille avec les membres à la Cour Royal Suédoise et de la haute société basée sur la capitale, Victoria s’amusait à chanter poue eux fréquemment, attirant l’attention de tous, et notamment du directeur de l’Opéra Royal qui l’engagea aussitôt.

Cette série de photographies de la fratrie conservée au Bohusläns museum a été faite entre 1860 et 1879. Sont absents Gustaf Torgny Lafayette Bundsen parti vivre aux Etats-Unis en 1853 et rejoint par leur petit frère Oscar Leopold en 1855.

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Victoria entre à l’Opéra Royal de Stockholm

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Chanteuse au registre alto, voix puissante et grave chez une femme, Victoria entre comme élève à l’Opéra royal de Suède en 1858 et y fait ses débuts, après deux années intensives, le 12 avril 1861 dans le rôle de Fidès dans Le Prophète, grand opéra en cinq actes de Giacomo Meyerbeer, compositeur allemand (1791-1864) en présence de toute la famille royale et d’une salle comble ! Elle obtient ensuite le rôle de Nancy dans Martha, opéra comique romantique de Friedrich von Flotow, compositeur allemand (1812-1883), celui de Fidalma dans Le Mariage Secret, opéra burlesque de Domenico Cimarosa, compositeur Italien (1749-1801) puis le rôle de Azucena dans Il Trovatore, du célèbre compositeur italien Giuseppe Verdi (1813-1901).

Victoria s’installe avec sa sœur aînée Félicia à Jernplåter, du quartier Klara dans le centre ville de Stockholm, de 1860 à 1861, selon un livre de recensement de la province de Uppland. Et alors qu’elle s’élève à une belle réputation en son pays natal, l’année 1863 marque un tournant dans son histoire ; Le 02 mai 1863 meurt Giacomo Meyerbeer, compositeur de la fameuse pièce Le Prophète, dans laquelle elle eut le premier rôle de sa carrière. Ce décès est bien sûr symbolique. Mais les 22 et 23 août de la même année, ses parents meurent à tour de rôle sans que l’on en connaisse les raisons. Était-elle présente au moment de leur décès ? Nous savons que Victoria quitte son pays en cette période afin de s’installer sur la capitale française où elle étudiera pendant un an ou deux auprès de Jean Jacques Masset au conservatoire de Paris avant d’aller à Milan, en Italie, sous la direction du célèbre Maestro Francesco Lamperti où elle étudie le répertoire italien, puis avec Uranio Fontana, professeur du célèbre contralto Albani.

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Carrière internationale

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Son nom prend place dans les journaux européens où, selon les dires, elle se ferait appeler Victoria Boni comme prima donna alto au théâtre de Modène en 1865.

Parmi les revues, on peut relever La Presse Musicale, journal français, qui mentionne Victoria dans son édition du 3 décembre 1868. A cette époque, elle fait partie du cercle allemand du Liederkranz installé dans la salle du Grand-Orient, rue Cadet à Paris, et qui, sous la direction de M. Ehmant, « propose à son public des œuvres de Mendelssohn, Schumann, Ferdinand Möhring, Schubert et Anselm Ehmant. ».

Quelques jours plus tard, un journaliste de cette même revue s’est rendu à la « soirée d’inauguration du Lieder Kranz, dans laquelle Mlles Schnoeder et Bundsen chantaient, en s’alternant, dans la langue de Goethe, les récits des choeurs de cette « Athalie » de Mendelssohn, si belle d’ordonnance et si puissante d’harmonie. »

Âgée de 33 ans, elle va à Londres où elle est immédiatement engagée en 1872 au Her Majesty’s Theatre de Londres. C’est l’apogée de sa carrière et elle se fait appeler « Mademoiselle de Bunsen » durant cette renommée. Elle apparaît au The Musical Times, revue musicale crée en 1844, où elle y est annoté comme une bonne contralto. De même que dans le Boston Saturday le 04 mai 1872, ou encore à l’étrange avec la revue des Nouvelles Musicales de la Belgique et de l’étranger, qui mentionne le succès de la troupe de Madame Mapleson dont fait parti Victoria : « M Bundsen, la jeune cantatrice suédoise engagée par Mapleson, s’est fort distinguée dans différents rôles qu’elle a chantés pendant latouinée fait que M. Mapleson en province, notamment dans celui du page des Huguenots et Seymour d’Anna Bolena » de Donizetti. La compagnie se représentera durant une semaine et demie au Glasgow Theatre Royal en Ecosse, puis dix jours à Edimbourg en 1872.

Le Ménéstrel en 1873 qui annonce que « Un nouveau théâtre italien vient de se former à Londres sous le titre de Winter-Theater (Théâtre-d’Hiver) » auquel Victoria fait partie. « Ce théâtre ouvrira par le Comte Ory de Rossini. » La critique tombe aussitôt : « Le 10 décembre, une société qui s’intitule The Winter Season italian opera, a tenté un essai d’opéras italiens [….] Le Comte Ory, de Rossini, a servi de pièce de début et a obtenu plus qu’un succès ordinaire. Parmi les chanteurs de la nouvelle entreprise, il en est deux ou trois qui, selon toute probabilité, feront leur chemin, surtout Madame Maria Risabello, qui, dans le rôle de la comtesse, a montré beaucoup d’habilité comme cantatrice et comme actrice ; Madame Maria Viu Danieli, dans le rôle du page, et Madame Victoria Bundsen dans celui de Radagonde ».

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Maladie et fin de carrière à l’opéra

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Mais Victoria tombe malade dès les premières représentations ! Alors que Victoria tient le rôle de Maffio Orsini de l’opéra Lucrezia Borgia du compositeur italien Gaetano Donizetti (1797-1848) durant l’année 1872 au Théâtre-Royal à Glasgow, le journal La Gazette des étrangers ou encore le journal La Comédie révèlent qu’elle fut « subitement indisposée » le soir de la représentation du vendredi 23 février et qu’elle dut être remplacé « au pied levé » par Madame Foli. Le journal poursuit l’article en indiquant que Victoria fit ses débuts le mardi suivant dans le page Urbain et que « Il était très facile de voir que son indisposition persistait encore, cependant, on a pu constater qu’elle possédait une voix assez étendue se rapprochant du contralto. »

Que lui est-il arrivé ? On parle d’un si gros rhume que Victoria devra mettre un terme à ses engagements. D’ailleurs, elle ne reviendra jamais chanter à l’opéra à cause de sa santé mais continuera dans des salles de concert ou en donnant des cours…

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Victoria, innovatrice !

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Au delà de sa carrière internationale, Victoria est aussi connue pour deux innovations de son siècle. Selon un papier de la London School Economics and Politcal Science en date de 2016, Victoria fait partie de la liste des femmes ayant contribué à l’innovation en Grande-Bretagne, en France et aux Etats-Unis entre 1750 et 1900 ! En effet, elle est la première a avoir obtenu un brevet britannique en 1898 pour un parapluie pliant, bien indispensable de la société actuelle… ! L’article ne mentionne pas cependant que le premier brevet pour la création d’une sorte de tampon pour apposer des timbres au Royaume-Uni a aussi été accordé à Victoria le 19 avril 1884 (brevet britannique 6568), en France, en Allemagne et aux États-Unis le 21 juillet 1885 (dessin du brevet américain 322578). Mais pas en Suède…

« Sachez que moi, Victoria Isabella Heliodora BUNDSEN, de Londres, Angleterre, j’ai inventé certaines améliorations nouvelles et utiles dans les appareils destinés à contenir et à apposer des timbres-poste ou d’autres timbres ou étiquettes similaires (invention que j’ai provisoirement brevetée en Grande-Bretagne), le 19 avril 1884, n° 6 568,) dont ce qui suit est une spécification. Le but de mon invention est de construire un appareil qui contiendra un certain nombre de timbres ou d’étiquettes séparés et qui, par une seule action de l’appareil, humidifiera l’enveloppe et y apposera un timbre.« 

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Dernières années de vie entre Londres et Boulogne-sur-Mer
avec Miss Charlotte Grace Baddeley

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The Boulogne and North of France Time mentionne régulièrement une certaine « Mlle de Bunsen » a des évènements très people qui nous permettent d’avoir une idée de sa vie privée. Victoria demeure durant certaines périodes de l’année au 37 boulevard Mariette à Boulogne-sur-Mer avec Mademoiselle Baddeley, son amie dit-on. Mais qui est-elle ? Fille de William Henry Clinton Baddeley, colonel du 49ème régiment, et de Charlotte Matilda Bell, Charlotte Grace Baddeley est née le 6 avril 1851 à Corfu, en Grèce. On dit d’elle qu’elle a un caractère doux et qu’elle est pleine de talent ! D’ailleurs elle parle plusieurs langue ! Sa rencontre avec Victoria a dû avoir lieu sur les planches puisqu’elle était cantatrice à Londres ! On dit d’elle qu’elle possède une très belle voix de contralto, qu’elle utilise avec habilité et un chant très admiré par les Londoniens, grâce à « une formation de premier ordre ».  

Elles fréquentent toutes deux la haute société puisqu’elles sont entre autre de très proches amies bien connues de Georgina Charlotte Gascoyne-Cecil, Marquise de Salisbury, épouse du Premier Ministre Britannique Robert Gascoyne-Cecil, 3ème marquis de Salisbury, puisqu’elles sont très régulièrement invitées à des réceptions organisées à Hatfield House, leur maison familiale située dans le Hertfordshire. A son décès qui eu lieu le 20 novembre 1899, et malgré la demande d’un enterrement intime sans fleurs, Victoria et son amie enverront une très belle couronne de fleurs.  

The Boulogne and North of France Times fera la publicité de Victoria dans ses éditions du 30 novembre 1899 et du 22 février 1900. On y apprend qu’elle y donne des cours d’opéra, d’oratorio et de ballad. Elle est alors âgée de 60 ans. Parallèlement, elle donnera de « nombreux et charmants après-midis musicaux » avec Mademoiselle Baddeley, sensible à la cause militaire, sûrement en lien avec son père. D’ailleurs, durant l’année 1899, les deux femmes feront des concerts et des dons aux associations de familles de soldats.

Victoria, « une femme de son temps »
The Boulogne and North of France Time, 30.11.1899

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Cette article désigne Victoria comme une femme de son temps. « Cette dame douée« , « à la réputation mondiale dans son art« , édite une interview dans laquelle elle relate son parcours, disponible ici

Hiver 1899, un séjour qui tourne au drame 

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Les deux femmes se rendent à Monte-Carlo à l’hiver 1899 afin de profiter du soleil, loin des vents d’Est de Boulogne-sur-Mer. Elles sont invités à des évènements durant lesquels Victoria ne manquera pas de faire remarquer que « Les Anglais brillent par leur absence, ainsi que les Américains, à Monte-Carlo. Et le temps n’est pas tout à fait favorable« . Mais à leur retour à la mi-avril, Mademoiselle Braddeley est « victime d’un rhume » qui la cloue au lit à son appartement de Boulogne-sur-Mer. Victoria s’occupe d’elle comme une infirmière dévouée. Sa souffrance dure plusieurs mois. Elle oscille entre la vie et la mort avant de succomber au vendredi matin du 09 octobre 1900, à l’âge de 46 ans. On peut lire dans le The Boulogne and North of France Time que les funérailles eurent lieu le lundi suivant à l’église protestante. Elle est enterrée sous une masse de couronnes de fleurs envoyées par des amis d’Angleterre, de Paris et de la ville de Boulogne-sur-Mer, et notamment de sublimes fleurs envoyés par Joseph Corneille Hubert Hollman, grand violoncelliste et compositeur néerlandais demeurant à Paris, accompagné d’une carte « A une amie regrettée » et une très grande croix de sa tante, entièrement composée de roses blanches et de fougères selon les journaux. On imagine la tristesse de Victoria… 

Un papier édité en décembre 1901 titre « Mlle V. DE BUNSEN’S « AT HOME » : Victoria a organisé un concert chez elle en compagnie de sa soeur Félicia ! « Ses grands salons joliment décorés de fleurs étaient remplis d’amis qui avaient bravé pour l’occasion les intempéries. Parmi les invités se trouvaient Lady Wood, Comtesse de Bray et Mlle Sutils, M. et Mme Greenwell, Révérant Edmund, M et Mme Benett, M. et Mme Sergeant, Mlle Livois, Miss Headley, M. Bowman, Miss de Solomé, M. et Mme Guibon, Miss Loughnan, M. Outram, Rev. J. Gaskin, Miss Wise, Miss Gardom, Mrs Harrison, M. Clarkson, Miss Thighe et bien d’autres ». Il est dit que Mme Benette, dont la voix fut entendue pour la première fois dans la Société de Boulogne, chanta plusieurs chansons et fut très admirée pour son style raffiné et sa charmante exécution, tout comme Miss Benett qui chantait des chansons de la compagnie « Gaiety Girl » et « Pantomime » accompagnés de pas et mouvements gracieux. Félicia sa soeur jouera un grand final au piano-forte. 

Elle réapparaitra à quelques évènements par ci et là notamment en avril 1902 à un tournoi de Ping Pong ou « Ping Pong Party » très people, un « Concert at British Sailor’s Insitute » en mai 1902, ce qui indique qu’elle continue de soutenir les familles de militaires..

Elle retournera à Londres où elle décèdera le 18 février 1909 à l’âge de 69 ans.

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