Nom de nom !

Alors que les individus de la plupart des civilisations antiques ne portent à l’origine qu’un nom unique et non transmissible, les romains quant à eux, usaient d’un système dit de « tria nomina » :
Un principe de triple nom héréditaire qui donnait à chacun un praenomen (prénom), un nomen (nom de famille) et un cognomen (surnom). Cette coutume fut imposée à tous les territoires conquis durant les invasions romaines, dont la Gaulle a fait partie. 

Mais les incessantes invasions barbares qui propagent d’ailleurs un principe de nom germanique unique, binaire et non transmissible, et la chute de l’Empire romain, font finalement renaître l’ancien système du nom unique. Une tradition simpliste qui dévoilera rapidement ses limites …
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En effet l’expansion du christianisme fit oublier au cours des siècles les noms aux origines germaniques et latines au profit d’un nom de baptême unique issu de la Bible. C’est ainsi que l’on retrouve nos fameux Jean, Pierre, François, Antoine, Guillaume, Marie, Jeanne, Catherine, Antoinette, Élisabeth… Une variété limitée de patronymes qui face à l’explosion démographique survenue entre le Xème et XIIème pousse les nouvelles générations à rajouter un prénom ou un surnom afin de distinguer les individus entre eux. Il faut imaginer le nombre de « Jean » ou de « Marie » au sein d’une même fratrie composée d’une dizaine d’enfants… Cette bivalence se renouvelant à chaque génération … combien dès lors pouvons nous recenser de Jean et de Marie dans chaque famille, dans chaque rue, dans chaque village … ? Sans oublier que bien souvent des enfants recevaient le prénom du frère ou de la sœur précédemment décédé(e) ? Une ambiguïté telle qu’elle ne permet plus aucune distinction entre les individus d’un même groupe.  
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Ainsi le surnom pouvait correspondre a une filiation (Jean, Martin, Estienne…), un critère physique ou comportemental (Petit, Leroux, Ducros, Léger…), une position sociale ou géographique (Lejeune, Germain, Deschamps, Dubois…) ou une profession (Boucher, Marchand, Lefebvre…). Par ailleurs, un nom tel que Chevalier, Marquis ou Lemoine par à titre d’exemple pouvait tout aussi bien se référer soit au statut de l’individu, son caractère ou encore à l’exploit accompli et connu de son ancêtre. Enfin, toute personne pouvait voir son surnom changer s’il se déplaçait d’un lieu a un autre afin que les étrangers puisse l’identifier par son origine (Delahaye, Lebreton, Dejean, Nouveau…).

Les surnoms deviennent héréditaires et donnent progressivement naissance aux noms de famille en France …

L’ordonnance de Villers-Cotterêts instituée par François Ier le 25 août 1539 ordonne aux curés de tenir un registre des baptêmes en français et non en latin comme ils en avaient l’usage à cette époque. Quarante ans plus tard, l’ordonnance de Blois ajoute en supplément l’enregistrement des mariages et des décès. C’est le début de l’état civil et de la transmission du nom patronymique !

Cependant, les noms de famille n’avaient pour l’heure qu’une existence orale et l’absence de règles orthographiques de la langue française, la pluralité des langues régionales voir même locales, la prononciation des mots évoluant au fil des générations mais aussi les erreurs d’écritures ont diversifié les noms de famille existants à l’époque.
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Et la particule, parlons-en !

Lorsque les surnoms ont commencé a devenir des noms héréditaires, les nouvelles familles nobles qui furent anoblies gardèrent de ce fait leur nom suivi du nom de leur domaine comme le veut la tradition. C’est ainsi que sont nés les noms a particules tels que De Chaunac de Lanzac, Goÿs de Mézeyrac, Amédor de Mollans …

Cette noble particule se distingue difficilement à ce jour des familles roturières qui portaient déjà un nom de famille commençant par « de » et qui fut détaché par absence de règles orthographiques (Deshayes, Delacour, De la Motte…), mais aussi par l’introduction de la particule courtoise entre personnes de la haute société (Monsieur Lannoy appelé « Monsieur De Lannoy »), et enfin parce que certains ont fait l’acquisition d’un titre de noblesse et intégré la particule.

Afin de mettre un terme aux abus de l’utilisation de la particule, le roi Henri II établi un édit le 26 mars 1555 interdisant toutes personnes de changer leurs noms et leurs armes sans autorisation du roi, sauf par « le droit qui a toujours appartenu aux seigneurs de porter à la suite de leurs nom et surnom, les noms et les titres des fiefs simples ou de dignité, soit réels, soit de pur honneur, qu’ils possédaient de leur chef ou du chef de leur femme ».

Entre 1666 et 1727, Louis XIV lança une grande enquête sur la noblesse ; « Sa Majesté voulait que pour les distinguer des usurpateurs, il soit fait un catalogue contenant les noms, surnoms, armes et demeures des véritables gentilhommes ». L’accroissement des familles nobles n’arrangeaient les caisses de l’Etat puisqu’elles étaient exemptées de nombreuses taxes. Ce registre permettait donc de distinguer la véritable noblesse n’ayant trace de roture aux familles n’ayant de qualifications naturelles et légitimes.
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Prénom(s) et nom(s), la Révolution !

La Révolution Française bousculera l’état civil dans un vent de liberté en publiant le 14 novembre 1793 un décret permettant à tous citoyens de changer de nom grâce à une simple déclaration à la municipalité. Ce principe fut abrogé seulement neuf mois plus tard et une procédure est mise en place pour les personnes souhaitant changer de noms pour des motifs légitimes (extinction du nom, nom difficile a porter, erreur, raisons affectives…).

Parallèlement, les parents tendent a transmettre leurs prénoms à leurs enfants plutôt que ceux des parrains et marraines comme il en était la tradition. Aussi des doubles et triples prénoms sont donnés aux enfants pour marquer une différence familiale voir un caractère noble. Certains chercheront l’originalité alors que d’autres préféreront la tradition en attribuant les prénoms de leurs aïeux.

Le 24 mai 1871, le palais de justice et l’hôtel de ville qui abritaient la totalité des archives de l’état civil Parisien sont détruits par un incendie déclenché par les Communards. Seul un tiers des huit millions d’actes détruits a pu être reconstitué depuis…
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À la suite de ce drame le livret de famille est mis en place le 18 mai 1877 par Jules Simon dont une circulaire précise que « les livrets de famille constitueront en quelque sorte un troisième dépôt des actes d’état civil confié à la garde des intéressés et seront une source de renseignement précieux pour le cas où les registres viendraient à être détruits. » 

Depuis le 1er janvier 2005 il est possible de donner le nom du père, de la mère ou même le nom des deux parents à ses enfants. Cette liberté promet la l’égalité de transmission et entre autre d’éviter l’extinction des noms.

Enfin, depuis le 1er juillet 2022, une personne majeure pourra changer de nom de famille en prenant celui du parent qui ne lui a pas été transmis à la naissance. Une simple déclaration de ce choix par formulaire à la mairie de son domicile ou de son lieu de naissance suffit à la démarche.
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Et les enfants abandonnés alors ?

Avant la Révolution, les enfants abandonnés recevaient un nom et un prénom symboliques. Ils pouvaient en effet recevoir un nom en lien soit avec le lieu où ils ont été trouvé (Delafontaine, Delaporte., Trouvé..), à la date (Saint du jour, fête religieuse, mois…), un détail physique ou une référence a un objet laissé sur eux (Rubans, Lebrun, ou le prénom indiqué sur un bout de papier laissé par le parent…). Mais après la Révolution, la « tendance ancienne en terre christianisée de désigner les enfants abandonnés sous des appellations qui renvoient à leur origine coupable et illégitime » est abandonnée.
De nos jours, une femme qui accouche sous X peut choisir le ou les prénoms à donner à son enfant. Si la mère choisi plusieurs prénoms alors le dernier servira de nom de famille. Au contraire si aucun prénom n’est donné à l’enfant, c’est par conséquent l’officier d’état civil qui choisira 3 prénoms dont le dernier servira de nom de famille. L’enfant une fois adopté portera le nom de famille de sa nouvelle famille et pourra changer de prénoms s’il le souhaite.

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