Silvestre Lefort, soldat à Waterloo

Silvestre Lefort, mon arrière-grand-père à la 5ème génération.

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Son père, officier de santé sur les routes de France

Officier de santé

Baptisé en la paroisse de Saint-Côme-Saint-Damien à Paris, centre religieux des fondateurs de l’académie de chirurgie et berceau des plus grands chirurgiens français, la destinée de Jean Nicolas Lefort était toute tracée…
D’abord inspecteur des hôpitaux du Royaume, il devient chirurgien officier de santé dont la mission consiste en la visite gratuite à domicile des individus secourus par la nation d’après une liste remise annuellement par une agence. Malgré ses nombreux voyages sur les routes de France, Jean Nicolas Lefort aura deux épouses et pas moins de neufs enfants dont Silvestre Lefort qui naît le 13 novembre 1791 en la petite commune de Matha en Charente-Maritime. La famille pose ses valises durant quelques années en cette ville avant de s’installer définitivement à Vars en CharenteSilvestre Lefort a t-il pu suivre son père durant ses missions ? Jean Nicolas Lefort a t-il eu une influence sur son fils ? Lui enseignant les pratiques traditionnelles, le goût du pays et le respect en son armée ? Jean Nicolas Lefort décède lors d’un déplacement à Limoges le 09 septembre 1801 à l’âge de 62 ans. Il laisse derrière lui une famille nombreuse dont Silvestre Lefort qui n’a alors que dix ans….

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Vie de famille à Vars et début de carrière militaire

Silvestre Lefort exerce le métier de tailleur d’habit en la commune de Vars et entame son service militaire à partir de 1811. Deux mois avant de partir au combat, Silvestre se rend à Rouillac, une commune située à 15 kilomètres de son domicile afin d’y prendre pour épouse une certaine Jeanne Gaboriaud dont l’union fut déjà consommée puisque cette jeune femme native de Cognac est enceinte de deux mois au moment du mariage… Le mariage est célébré le 25 février 1813 et le couple emménage à Vars.

Il profite de quelques instants avec sa nouvelle épouse dont le vendre s’arrondi avant de répondre à l’appel de l’Empereur… 

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Coup d’envoi de sa carrière militaire

Silvestre Lefort arrive le 24 avril 1813 à Angoulême et intègre le 37ème régiment d’infanterie de ligne de l’armée napoléonienne sous le matricule numéro 14017. A cette période, le glorieux Empire Français dirigé par Napoléon Bonaparte est sous tension. Le pays essui les défaites face à la Russie où la Grande armée Napoléonienne composée de 600.000 hommes environ est décimée. Les ennemis de l’Empereur profitent de cet échec pour reprendre les armes. Tous les jeunes conscrits sont appelés à faire campagne contre l’Allemagne le 27 avril 1813. Environ 450.000 hommes, certes inexpérimentés, rejoignent les rangs de l’armée. 

Le 37ème régiment dans lequel Silvestre fait parti, intègre le 6ème corps de la Grande Armée et sonne la marche avec un sac à dos de pas moins de 30 kilos avec des habits, une couverture, de la nourriture (pain, viande, vin et eau de vie) et son tabac … les repas sont servis 2 fois par jour, les soldats chassent du gibier ou réquisitionnent auprès des paysans de quoi se nourrir (légumes, viandes, oeufs, farine, etc.). Le soir, au coin du feu ou lors de journées sans combattre, certains jouent d’un instrument de musique et chantent, d’autres sachant lire et écrire, racontent leurs souvenirs dans un petit carnet ou écrivent les lettres de leurs camarades pour leurs familles. D’autres encore préfèrent sculpter de petits objets en bois, parfois une petite statuette de Napoléon. Lors des campagnes militaires, les soldats dorment le plus souvent à la belle étoile, ou sous un abri fait avec des branchages, parfois dans la grange d’une ferme. Les officiers dorment sous une tente ou chez l’habitant*.

Anticipant les actions de ses adversaires, Napoléon et son armée résistent face aux assauts de l’armée russo-prusse. Le 01 mai 1813, l’armée est prête pour la bataille de Lützen, aussi appelée bataille de Großgörschen. Silvestre est au 4ème bataillon. L’assaut est lancée le lendemain et après un combat intense, l’ennemi bat en retraite. L’armée française compte 2 757 morts contre 12.000 à 20.000 pertes du côté de l’armée russo-prusse. La campagne se poursuit et une armistice est conclue le 02 juin 1813 pour sept semaines.

Silvestre rentre t-il en cette période ? L’Autriche déclare la guerre à la France dès le 11 août 1813. Malgré une écrasante victoire de l’armée Napoléonienne le 27 août à Dresde, les lieutenants chargés des autres bataillons sont vaincus tour à tour. Pendant ce temps, Jeanne Gaboriaud met au monde leur enfant le 09 septembre 1813 à Vars ; il s’agit d’une fille qui est appelée Marie. La déclaration de naissance est faite par la mère de SilvestreMagdeleine Duvergne. On peut supposer que Silvestre n’ait pas pu assister à la naissance de son premier enfant… d’autant plus qu’un courrier en date du 24 novembre 1840, nous informe que Silvestre est sergent de voltigeurs au 2ème bataillon du 37ème régiment de ligne lors du siège de Magdebourg en Allemagne, qui eu lieu entre le 15 septembre 1813 et le 20 mai 1814.
Il sera blessé pour la première fois.

Octobre 1813, Napoléon fait face à de nombreuses pertes qui rayent l’Empire de la carte. Le vent tournant, ses alliés se retournent contre lui.
Napoléon est vaincu.

La Sixième Coalition composée du Royaume-Uni, de l’Empire russe, Prusse et Autrichien, envahie la France. Mon ancêtre restera fidèle à l’Empereur puisqu’il ira jusqu’à remplacer un soldat en 1814 pour continuer la bataille. Malgré quelques victoires grâce notamment aux 120.000 jeunes conscrits de moins de deux mois appelés par l’impératrice Marie Louise le 09 octobre 1813 et que l’on appelle les « Marie-Louise », l’ennemi tombe aux mains de l’ennemi le 31 mars 1814.

Napoléon abdique et s’exile à l’île d’Elbe après avoir tenté de se suicider. Le 37ème régiment d’infanterie dont Silvestre a fait parti est licencié et les 5 premiers bataillons sont distribués au 5ème régiment d’infanterie.

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Waterloo, 18 juin 1815

A peine a t-il restauré la Monarchie en France que Louis XVIII doit faire face à la détermination de Napoléon revenu au pays. L’armée censée l’arrêter se joint à lui. Pire, le maréchal Ney qui avait juré de ramener au roi ce Bonaparte « dans une cage de fer », s’incline devant l’ancien Empereur. Louis XVIII prend donc la décision de fuir laissant Napoléon Bonaparte prendre le pouvoir le 20 mars 1815. Ce retour est mal perçu par la Coalition qui le qualifie de hors la loi et envoie ses troupes l’arrêter.

Tout se joue en Belgique où le 18 juin 1815 éclate la fameuse bataille de Waterloo à laquelle Silvestre Lefort fidèle à l’Empereur y participe…

La pluie est tombée toute la nuit et en ce matin du dimanche 18 juin 1815, le terrain devenu marécageux ne permet pas une mobilité efficace notamment pour le tractage des canons. Napoléon Bonaparte décide de retarder l’attaque afin que le sol sèche au soleil. 11h30, l’assaut est lancée. L’armée impériale aligne 74.000 fantassins accompagnés de 12.600 cavaliers et 250 canons contre l’armée des Alliés conduite par le duc de Wellington qui se compose de 106.000 fantassins britanniques, allemands et néerlandais, 12.000 cavaliers et 150 à 200 canons. L’ennemi fait de la résistance. C’est un carnage.

Silvestre n’abandonne aucun de ses camarades au combat et montre un courage admirable. Mais l’ennemi le blesse a deux reprises puis une troisième fois grâce à un biscayen. Cette terrible blessure nécessite l’amputation de son avant bras gauche. Des milliers d’amputations eurent lieu durant cette fatale bataille.  Il n’y avait évidemment pas d’anesthésiant, seulement une gorgée d’eau‑de‑vie et de l’eau après l’opération, et pour les plus chanceux un peu d’opium ou de laudanum. Certains patients ne supportaient pas le spectacle et s’évanouissaient. Mon ancêtre Silvestre Lefort fait fasse et au moment de l’amputation, « il calmait ses douleurs par les cris de Vive l’Empereur !!! ».

De nombreux témoignages dont cette lettre en date du 1er août 1837 conservée aux archives de la Défense à Vincennes fait mention des aptitudes honorables de mon ancêtre…

Vers 16h, le maréchal Blücher, 72 ans et son armée prussienne de 30.000 hommes arrivent par l’Est et achève l’armée française.
A 20h15, Napoléon bat en retraite. 45.000 victimes gisent sur le champ de bataille. Les brancardiers prennent en chargent les blessés. Des Prussiens n’hésitant pas à achever des Anglais, les officiers, souvent dégoûtés, laissant faire. Les pillards détroussent les morts. Les paysans locaux mirent plus d’une semaine à enterrer les morts dans des fosses communes après les avoir dépouillés de leur uniforme même en lambeaux, et de leurs souliers ou bottes. On fait aussi des bûchers des cadavres d’hommes et de chevaux

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Retour à la vie citoyenne

Silvestre retrouve sa femme et sa fille à Vars. Son épouse tombe enceinte moins de trois mois après son retour et le couple fondera une famille composé de six enfants avec le précieux soutien de sa mère Magdeleine Duvergne.

Handicapé physique, Silvestre trouve un emploi en tant que garde champêtre. On dit aussi qu’il deviendra aubergiste… Grâce aux recommandations de Monsieur le Préfet d’Angoulême adressées à Monsieur le Capitaine de Vaisseau et directeur Forsans, mon aïeul entre à la direction du Port de Rochefort le 8 février 1833 en qualité de gardien de vaisseau pour 36f par mois. 

La famille déménage donc à Rochefort où ils célèbrent d’ailleurs le mariage de leur fille aînée. Mais la famille est bouleversée le 23 mai 1839 par la mort de mon aïeule Jeanne Gaboriaud âgée de 49 ans seulement. Un drame qui s’accompagne l’année suivante par le décès de Magdeleine Duvergne alors à Angoulême. Silvestre Lefort est un homme seul âgé de 48 ans._
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Une seconde jeunesse à Rochefort

Les quelques lettres qui me sont parvenues concernant mon aïeul font état de sa bonne tenue, ses bonnes mœurs, de son excellente aptitude et rigoureuse à l’égard de ses bons devoirs de citoyen, une paternelle bienveillance … et bon chrétien ?

Alors que ses enfants sont en train de se marier tour à tour, Silvestre Lefort cherche une seconde épouse pour répondre à ses devoirs de bon père de famille mais pas seulement ! Afin de perpétuer une certaine stabilité spirituelle, Silvestre âgé de 51 ans prendra pour épouse une jeune femme native de Cognac, comme sa première épouse, et qui se nomme AdèleGaboriaud comme la précédente ! La recherche de compatibilité a dû avoir lieu avant leur mariage car cette jeune lingère âgée de seulement 21 ans et déjà enceinte de 4 mois au moment du mariage !
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Retraite et fin de vie

Le mariage se déroule à Rochefort le 06 mai 1843 et Adèle Gaboriaud met au monde leur premier enfant le 07 octobre 1843. Soit dix jours après que Silvestre ait marié sa fille Françoise qui a le même âge qu’Adèle

Grâce à de nombreux témoignages et lettres de recommandations, Silvestre Lefort est fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 26 avril 1845. « Une honorable récompense à laquelle un vieux serviteur de l’empire mutilé sur les champs de bataille, et notamment à Waterloo, où il reçut trois blessures et fut amputé du bras gauche, doit attacher le noble orgueil du reste de sa vie« .

Silvestre et son épouse habiteront au 43 rue Cochon Duvivier puis au 25 rue La Forêt à Rochefort. Elle lui donnera 4 enfants dont un qui décèdera un an après sa naissance. Au total, Silvestre Lefort sera le père de 11 enfants dont la petite dernière qu’il aura eu à 59 ans ! Un âge avancé qui ne lui aura permis d’effectuer la déclaration de naissance étant précisé qu’il était retenu chez lui pour maladie. Quant à Adèle, elle n’a que 29 ans.

Silvestre Lefort cesse officiellement son activité de gardien de navires le 21 septembre 1869 ! Il ne profitera hélas de cette retraite bien méritée puisqu’il décède le 13 septembre 1870 à Rioux en Charente-Maritime à l’âge de 78 ans.
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Parlons de sa famille…

Veuve à 48 ans, Adèle Gaboriaud épousera en secondes noces Martin Frédéric Jacquet, maréchal ferrant, ex soldat au 34ème régiment d’artillerie, de 22 ans son cadet, autorisé au mariage par le Général Commandant d’Angoulême. Adèle décèdera le 11 septembre 1902 à Rochefort à l’âge de 70 ans.

Sa fille aînée, Marie Lefort (1813-1893), lingère, épouse Ambroise Gautret, un journalier âgé de 22 ans. Mon aïeul Jean-Louis Lefort (1819-1898), lithographe, épouse Joséphine Arelle, lingère comme sa belle sœur Marie Lefort. Ils auront 5 enfants. Françoise Lefort (1821-1855) épouse Barthélémy Brandely, journalier du même âge qu’elle. Pour l’anecdote, Françoise décèdera au jeune âge de 34 ans et son époux ne perdra pas de temps puisqu’il épousera neuf mois plus tard une certaine Marie Hestorck enceinte de … 8 mois ! Marie Lefort (1826-?), couturière, épouse Louis Loth, ajusteur du même âge qu’elle, puis Victor Ely et Hurtaud en secondes noces.

François Lefort (1829-1848) meurt à l’âge de 18 ans chez ses parents. Seuls les destins de Marie Louise Lefort (1816-?) et Marie Lefort (1823-?) issues de son premier mariage nous sont inconnus. 

Quant à ses enfants issus de son second mariage, Baptiste Lefort (1843-?), commis du commissariat de la Marine puis agent du commissariat, épousera en première noce Marie Elisabeth Bouteiller, une jeune couturière âgée de 17 ans, puis il se mariera avec Marie Aglaé Delpech en secondes noces. Sylvanie Lefort (1845-1926), sage-femme de 31 ans et demeurant à Paris, épouse Henri Albert Tref. Le couple divorcera après 17 ans de vie commune et elle épousera en secondes noces Jean Marie Prosper. Edouard Ernest Lefort (1848-1894) meurt à l’âge de un an. Marie Joséphine Lefort (1851-?) âgée de seulement 16 ans, épouse Louis Marsay, marchand de vin, âgé de 34 ans. 

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